Campus de la Transition

Situé en Seine-et-Marne près de Montereau, le Campus de la Transition s’est installé en 2018 sur le Domaine de Forges. Avec son château du XVIIIe siècle et son parc de 12 hectares, cet ancien établissement d’enseignement général et horticole est devenu un écolieu expérimental de la transition écologique et sociale. 35 personnes y travaillent et, pour une partie, y vivent toute l’année…

Les bâtiments du Campus de la Transition
Crédit : Alexandre Sattler

Sortir des sentiers battus de la pensée académique

L’histoire commence en 2017 lorsque Cécile Renouard, professeure de philosophie aux Mines et à l’Essec, visite le château de Forges. Les propriétaires, des religieuses de l’Assomption, cherchent repreneur. Cette enseignante spécialiste d’éthique, elle aussi membre de la congrégation de l’Assomption, nourrit depuis un moment l’envie de créer un lieu laïc consacré à la formation à la transition écologique et à son expérimentation. Un lieu « aconfessionnel mais ouvert à la dimension spirituelle », comme le stipuleront plus tard ses statuts, qui s’inspirerait du Schumacher College, établissement du Devon anglais devenu une référence internationale pour l’enseignement de l’écologie.

S’étalant sur 12 hectares de champs et de forêt, le Domaine de Forges comprend un château de 1 800 m², un bâtiment dédié aux formations de 500 m², des ateliers de 100 m² et plus de 1 000 m² d’anciennes salles de classe à réhabiliter. Bien qu’en mauvais état, le lieu est parfait pour le projet : spacieux, situé à seulement 1h30 de Paris, immergé en pleine nature, et déconnecté du cadre lisse des grandes écoles.

Une petite équipe décide de se lancer : le Campus de la Transition naît à Forges en juin 2018 et attire tout de suite un petit groupe de pionniers qui lancent le projet.

Crédit : Alexandre Sattler

 

Un lieu qui transforme ceux qui le traversent

Dans les allées, les couloirs, les escaliers du Campus, s’activent aujourd’hui tout un tas de personnes, jeunes pour la plupart. Leurs trajectoires révèlent la puissance de transformation du Campus de la Transition. Florence a vécu dans une colocation écolo à Bourg-la-Reine, où elle a découvert la question climatique. Sa passion tourne depuis autour d’une chose : les low-tech. Comme beaucoup ici, elle a entendu parler du Campus de la Transition lors d’une conférence de Cécile Renouard. Curieuse, elle est venue y passer quelques semaines et n’en est plus repartie. Elle s’occupe désormais de la résilience énergétique du bâti, ou comment ne pas avoir froid au château sans se ruiner, ni gaspiller d’énergie… ! Si quelques premiers travaux ont été effectués – isolement par l’intérieur avec osb et menuiseries du dernier étage remplacées, beaucoup reste encore à faire…

Le Campus a aussi changé la vie de Clément, normalien en physique fondamentale. « Je travaillais dans le réseau électrique chez RTE où j’étais responsable d’une équipe de maintenance, raconte-t-il. J’ai entendu une conférence de Cécile Renouard qui m’a profondément touché… J’ai décidé de creuser et, quelques mois plus tard, je signais un CDI pour être délégué site du Campus de la Transition ! Pour fixer mon niveau de salaire, on m’a demandé d’estimer mes besoins. Je n’avais jamais imaginé une telle démarche, mais ça me semblait juste. J’ai divisé mon salaire par deux et j’en suis enchanté ! »

Tous les récits laissent deviner la place essentielle que joue la co-fondatrice Cécile Renouard dans la communauté où elle habite toute l’année. « Beaucoup sont entrés dans le projet par elle et pour elle, explique Hélène. Elle donne une énergie folle et montre un exemple de service et d’engagement qui porte les habitants. Elle allie intelligence et sincérité comme peu de gens… » À cette figure inspirante s’ajoute une approche de l’enseignement structurée autour de la méthodologie dite « tête – corps – cœur ». Chaque étudiant qui passe par le Campus mobilise sa tête avec l’apprentissage théorique, le corps en étant au service de la vie quotidienne et matérielle du domaine et le cœur à travers l’intensité de l’expérience du collectif. Une expérience totale inédite qui ne manque pas de marquer ceux qui la traversent.

Crédit : Alexandre Sattler

La communauté, une catégorie à part

Le collectif joue en effet une place importante dans l’identité du Campus de la Transition, pour les étudiants mais aussi pour l’équipe qui le porte. Aujourd’hui, onze « forgeois » vivent sur place en communauté et 25 salariés et bénévoles viennent travailler sur place à temps plein ou partiel. En plus des activités apportées par chacun – atelier d’éloquence, bals folk, séances de yoga – plusieurs rituels structurent leur quotidien. Un rapide « mot du matin » réunit tous les habitants à 8h30 pour se donner des nouvelles et partager un texte, une pensée, une musique… Tous les jeudis, c’est « café terrain » : nouvelles des activités du lieu, gestion de la vie collective, jeux et écoute active. « C’est aussi la vie en communauté qui m’a attiré ici, raconte Clément. Je ne voulais plus être dans une logique individualiste, et la cellule familiale ne me suffisait pas. »

« 8 – 10 personnes est à mon avis la bonne échelle, renchérit Rémi. On évite ce que j’appelle la léthargie sociale qui découle du confort d’être seul chez soi tout le temps. Et à 8 – 10 personnes, la sphère intime n’est pas non plus envahie par les autres. Pour moi, c’est l’échelon manquant à notre société, un mixte inédit entre amis, coloc’, famille… une catégorie à part, un nouveau type de relation, très fort, très intime, qui procure de la joie et fait grandir en même temps. »

Crédit : Alexandre Sattler

La difficile association de la radicalité et de la non-marginalité

Rémi fait partie des tout premiers à avoir rejoint l’aventure. Bouleversé par une violente prise de conscience écologique, il tombe sur une annonce que publie Gaël Giraud sur son compte facebook, en 2018 : « Recherche woofers pour rénover un vieux château et réfléchir à la création d’un modèle ». Il répond sans hésiter.

« Quand je suis arrivé au Campus, il y avait des gravats partout, des disjoncteurs nulle part… Il fallait enquêter pendant des jours et griller des tonnes de fusibles pour savoir quoi allumait quoi ! » se souvient-t-il. Avec d’autres étudiants sortis d’école, il retrousse ses manches et ne compte pas ses heures : petite plomberie, petite électricité, beaucoup de manutention. « On passait la journée à travailler dur sur des tâches manuelles qu’on n’avait jamais imaginées faire un jour, se souvient Rémi. Le soir, on était épuisés, mais on discutait jusqu’à trois heures du matin, aussi bien sur des questions pointues de macroéconomie que sur la meilleure façon de faire son compost ! On n’était pas dans notre tour d’ivoire, on réfléchissait tout en étreignant la réalité rugueuse. » Hélène est elle aussi arrivée aux tout débuts, en mars 2019, appelée en catastrophe en cuisine pour nourrir la première promotion du T-Campus. « À cette époque, se souvient-elle en souriant, tout le monde parlait de « la magie du Campus »… »

Le Campus de la Transition a grandi très vite : le petit groupe de jeunes bénévoles galvanisés des débuts a laissé la place à une équipe salariée aux profils plus aguerris. Le public associatif est devenu minoritaire par rapport à celui issu du milieu académique traditionnel et des grandes entreprises. L’implicite a été formulé dans des textes et la division des tâches entre des rôles plus sectorisés est apparue.

« Mais il ne faut pas s’y tromper, il y a des avantages à cette forme d’institutionnalisation, constate Rémi, On touche un public plus large. Quand les jeunes d’écoles de commerce arrivent blasés et repartent chamboulés… on se dit qu’on joue pleinement notre rôle ! Sinon, autant rester entre nous pour passer un bon moment. »

Ce défi de l’institutionnalisation est le prolongement naturel d’une question structurante, qui s’est posée dès les premières heures du Campus de la Transition : comment associer radicalité et non-marginalité ? Certains entendent avoir un mode de vie écologiquement exemplaire, avec ce que cela charrie d’efforts et de changements de pratiques. D’autres veulent pouvoir accueillir tout type de publics et ne pas se couper a priori de certains par des pratiques “repoussoir”. Toilettes sèches ou toilettes à eau ? La discussion fait encore rage aujourd’hui, symbole de cette tension créatrice…


Pour aller plus loin

campus-transition.org

Le manuel de la grande transition

le T-campus

La Voix des Oasis : le Campus de la Transition
Dans ce podcast, Alexandre Sattler donne la parole à Rémi pour présenter le lieu, l’histoire et les activités du Campus.

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Daphné Vialan

Daphné Vialan

Daphné Vialan est passionnée par la vie en collectif et le vivre-ensemble. Elle a habité plusieurs années à l’Arche de Saint-Antoine, et habite maintenant au sein d’un collectif en formation au Nord d’Agen.

Elle accompagne des collectifs à prendre soin de leurs relations au sein de la Coopérative Oasis.

Son expérience personnelle, alliée à ses multiples formations (CNV, gouvernance partagée, dynamique de groupe, transformation constructive des conflits, Processwork et Clean Coaching) font de son travail une combinaison unique qui réunit le cœur et la tête.

Ludovic Simon

Ludovic Simon

Citoyen engagé dans la vallée de la Drôme, amoureux des expériences de coopération et de gouvernance partagée, entrepreneur dans sa vie d’avant et auto-constructeur de maison, Ludovic accompagne des projets d’oasis et d’habitat participatif sur les aspects juridiques, financiers et humains.

Après des études en management de l’innovation à Polytech, il a cofondé plusieurs projets coopératifs : une société en gouvernance partagée dans le domaine de l’emploi avec 10 salariés et 2 millions d’utilisateurs inscrits, un tiers lieu de 3000 m² à Nantes (la Cantine), un évènement professionnel qui rassemble plus de 10 000 personnes sur 3 jours…

Il a également accompagner de nombreux porteurs et porteuses de projets, en notamment dans le secteur de l’ESS.

Ramïn Farhangi

CooperativeOasis_Ramin_Village de Pourgues

Ramïn Farhangi est le cofondateur de l’école Dynamique à Paris (2015), réputée pour être une des premières écoles démocratiques en France, où les enfants font ce qu’ils veulent de leurs journées. Il a également cofondé le réseau national de l’éducation démocratique EUDEC France (2016). Il est l’auteur de Pourquoi j’ai créé une école où les enfants font ce qu’ils veulent (Actes Sud, 2018).

En 2017, il fonde l’écovillage de Pourgues, où il facilite des formations sur la vie collective et le leadership puis rejoint l’équipe opérationnelle de la Coopérative Oasis en 2022 comme animateur du réseau des oasis et accompagnant.

Il est également le fondateur de l’association Enfance Libre qui réunit des désobéissants afin de contester la suppression du régime légal de l’Instruction En Famille.

Coralie Darsy

Portrait Coralie Darsy

Après quelques années d’ingénierie dans l’eau et l’environnement, Coralie a été éducatrice Montessori.

En 2021, elle devient bénévole à la Coopérative Oasis pour lancer la Pépinière Oasis, puis rejoint pleinement l’équipe en 2022 pour coordonner les formations.

 

Frédéric Bosqué

Frédéric Bosqué se définit comme un « entrepreneur humaniste ».

Il a été cofondateur de la monnaie citoyenne le Sol-violette de Toulouse et du Mouvement français pour un revenu de base.

Jusqu’à fin 2013, il a été gérant d‘une coopérative ouvrière et membre du Centre des Jeunes Dirigeants. Depuis, ayant renoncé à toute activité marchande, il vit de contributions citoyennes et se consacre à un projet expérimental : la création d’un écosystème territorial pour le XXIe siècle, TERA, où 85 % de la production vitale à ses habitants seront relocalisés.

Mathieu Labonne

Ingénieur de l’Isae-SupAéro de formation ayant travaillé au CNRS dans la recherche sur le climat et la gouvernance carbone, Mathieu Labonne a été directeur de l’association Colibris où il a notamment développé le Projet Oasis.

Il est aujourd’hui président et directeur de la Coopérative Oasis, qui réunit des centaines de lieux de vie et d’activités écologiques et collectifs, où l’on expérimente des modes de vie sobres et solidaires au service du vivant.

Il est aussi engagé sur un chemin spirituel au côté de la sainte indienne Amma, dont il coordonne le centre, la Ferme du Plessis, près de Chartres depuis 2011.

Il est également président d’Oasis21, un ensemble de Tiers-Lieux en Île-de-France qu’il a contribué à créer.

Il est à l’origine de l’écohameau du Plessis  dans l’Eure-et-Loir où il réside avec sa famille.